dimanche 29 juillet 2012

La sélection

          Tout le monde en parle, tout le monde la prone, tout le monde prétend en faire, mais qu'en est-il vraiment ?

          Tout d'abord, il est bon de rappeler qu'en l'absence de standard, la sélection, devrais-je dire plutôt les sélections, restent très subjectives et mes choix ne seront pas forcément les meilleurs aux yeux d'un autre élevage.
         
          A partir de ce constat, la première bonne sélection est d'éviter l'apparition de tares et autres dégénérescences. Nous savons par exemple que l'accouplement de deux silvers ou DEW engendre une léthalité (homozygotie morbide, cf l'article sur la génétique dans ce même blog). C'est ce que nous pouvons appeler : une impasse génétique.

          Il est donc important de ne pas perdre de vue lors de la sélection, que cette impasse génétique guette.


          Autre exemple : Le black allemand.
         
          Le berceau de cette souche prend son origine en Allemagne, dans l'élevage de P. H. Il existe un gros soupçon d'hybridation sur ces lignées black, une hybridation avec du vison d'europe.
          Il semblerait que l'éleveur ait réussi à mettre la main sur un ou plusieurs Khonoriks dont voici une photo :




          Nous voyons là une ressemblance troublante, hybridation confirmée par des grossistes du nord de la France lors de conversations téléphoniques.
          Sur une hybridation directe, nous savons que les mâles sont stériles et les femelles fertiles. A force de mariages en diluant cette hybridation, l'éleveur obtient des mâles fertiles avec une prolificité très médiocre (prolificité faible chez les femelles également).

          Nous sommes à nouveau en présence d'une impasse génétique. Marier des blacks allemands entre eux va inexorablement tendre à la stérilité de la souche et l'ensemble du travail de P. H. n'aura servi à rien.

          Par conséquent, accoupler deux blacks allemands n'a pour seul objectif que d'obtenir le maximum de furetons au phénotype identique. Animaux actuellement très recherchés par les amateurs de furets.
          Tenter de justifier une telle sélection par des critères morphologiques ou de caractère est purement et simplement une mystification. En effet, les plus belles morphologies étant les souches Russes et les meilleurs caractères sont imputables à la Nouvelle Zélande. Sans aller aussi loin, nous pouvons trouver sur d'autres courants de sang français des animaux harmonieux et sociables qui permettraient d'assainir et consolider ces souches de blacks.
          L'inconvénient pour les gens qui "travaillent" (entre guillemets car le terme est un peu présomptueux pour décrire ce qui se passe dans le salon de ces quelques personnes), c'est qu'il faudrait des dizaines de reproducteurs et perdre durant 2 ou 3 ans le phénotype si cher à leurs portefeuilles.


          Le cas du rustique :

          L'apologie de la non-sélection. Généralement, sur le web, le terme "rustique" désigne les furets zibelines, champagnes et albinos issus des clapiers des chasseurs ou de la forêt.
          Là, nous allons être confronté à plusieurs paradoxes un peu gênant.
         
          Tout d'abord la morphologie : La chasse aux lapins avec des furets (furetage) nécessite des furets de petits gabarits (on voit très souvent des femelles de moins de 500gr et des mâles de moins de 900 gr, car meilleur déplacement dans les terriers); ce qui est une contre-sélection à l'heure où tous les particuliers préfèrent des animaux volumineux, voir obèses, suite à la désinformation massive menée sur le web pronant un surpoids comme gage de qualité et de bon sevrage.
          La sociabilité : Nous sommes donc en présence d'animaux longilignes et minces qui, par ailleurs, n'ont pas forcément été sélectionné pour leur qualité de sociabilité. Le furet de compagnie ne peut souffrir d'un caractère trempé. En appartement, en présence d'enfants, chaque morsure grave est potentiellement exploitable par les mauvais esprits associatifs pour réduire encore et encore les prérogatives de l'élevage.
          La généalogie : Enfin, la généalogie est souvent floue et nécessite de puiser ses reproducteurs dans des secteurs géographiques éloignés afin d'éviter tous risques de consanguinité.
          Ne perdons pas de vue non plus que l'albinos est invendable et que le zibeline suit cette tendance actuellement.

          Si il ne fait aucun doute que la santé chez le furet est dans les clapiers (des animaux avec des longévités importantes, sans jamais voir un vétérinaire), la sélection de cette seule caractéristique n'est pas cohérente au regard des caractères de sociabilité (très aléatoires selon les souches) et de morphologie (mode du furet "ours" au détriment du furet "souris").
          Nous pouvons donc puiser dans ces souches la santé mais il va falloir travailler le reste.


          Améliorer le caractère : Il suffit pour cela de marier des mâles rustiques avec des femelles extrêment calmes, sélectionnées pour la compagnie depuis des décennies (les souches NZ par exemple). Nous allons privilégier le mariage dans ce sens car il est préférable que les furetons soient en présence d'une mère calme, au delà du caractère héréditaire, le mimétisme comportemental reste très important.
          Cette sélection représente une hérésie pour le puriste du rustique qui, dans sa grande sagesse, perçoit difficilement les tenants et aboutissants de l'élevage, donc de la sélection.
          Rappelons que l'avenir du furet passe par son développement (en terme d'adoptions) puisque c'est le volume qui permettra la naissance des études. Ce dont nous avons tous besoin.


          La retrempe : on désigne par ce terme l'accouplement d'un furet avec un putois. Il ne s'agit pas d'hybridation puisque tous deux sont une seule et même espèce. La retrempe a pour but de fixer une morphologie ou une couleur mais n'a aucun sens en terme de santé ou de caractère. Les amateurs de sauvage apprécient ce type de sélection car, dans l'originalité du furet, ils peuvent se prévaloir d'être à la source. Nous sommes un peu dans le concours de celui qui pisse le plus loin.

          Non sens pour la santé, je m'explique. La longévité du putois n'est pas son point fort. Dans la nature, son espérance de vie est réduite (prédation...), par conséquent, toutes les pathologies liées à la vieillesse ne sont pas un frein à sa reproduction (cataracte, cardiomyopathie...). De fait, soutenir que de mettre du sang sauvage dans les lignées de furets servirait à favoriser la santé, c'est se mettre le doigt dans l'oeil, oeil atteint de cataracte, rappelons-le.

         Non sens pour le caractère, est-il nécessaire de développer ce point ? Pour être plus clair auprès des néophytes, je vais tout de même approfondir. Le putois est un animal sauvage, sa méfiance envers l'homme et tout ce qui ne provient pas de son milieu naturel est héréditaire. Par ailleurs, le putois n'est pas un animal grégaire, par conséquent il supporte mal la compagnie de ses congénaires. Ce qui est vite problématique pour le particulier qui souhaite avoir plusieurs furets.
         On connait des élevages amateurs qui pensaient faire fortune avec de telles femelles, la déception fût grande lorsqu'ils découvrirent que ces femelles ne vivraient jamais en groupe (donc investissement dans de nouvelles cages) et lorsque les femelles très stressées mangèrent tous leurs rejetons (le cannibalisme est fréquent chez la furette stressée). Bien entendu, à défaut de ne rien produire, elles n'étaient pas non plus de bonnes furettes de compagnie.


         La dérive pro-rustique : Nous voyons apparaître une dérive de ce mouvement puriste qui est une aberration sans nom. Un furet zibeline, sans aucune généalogie connue peut être considéré comme un "rustique" et donc être sélectionné pour une reproduction allant dans ce sens. Pour bien comprendre qu'il s'agit là d'un défaut de réflexion, il faut savoir que deux furets tachés peuvent sortir du zibeline dans la descendance. La rusticité de l'animal ne serait-elle liée qu'à l'expression de la couleur ? Bien entendu, cela n'a pas de sens.



          Le cas des tachés : La sélection des furets tachés est une sélection "bankable", au même titre que le black allemand. Aujourd'hui, nous savons tous que ces animaux sont potentiellement sourds, que la répartition des taches est aléatoire. (Par ailleurs, des blacks allemands sont sourds aussi).
          Pourquoi sélectionner de telles bêtes me direz-vous ? Outre l'originalité de la robe, nous sommes en présence de souches (suivant la provenance et la sélection) d'animaux très calmes, ce qui est un caractère intéressant en sélection.
          Et la santé ? c'est là que le bât blesse. Cancers précoces, système immunitaire faible, cardio.... la sélection uniquement faite sur le caractère a engendré l'apparition de pathologies sans doute récessives.



          La meilleure sélection consiste donc à trouver le bon compromis entre les qualités et les défauts de toutes ces souches de furets.
          L'avenir du furet ne passe pas par une sélection sur un caractère unique qui tendra inexorablement vers une impasse génétique.


         La meilleure sélection, c'est peut peut-être de ne pas faire de sélection à proprement parler. Marier deux beaux furets ayant un bon caractère, une bonne santé, et ce sera déjà pas mal.... en tout cas moins pire que ce qui se fait actuellement sous couvert de grands mots scientifiques pour tenter de justifier l'injustifiable.

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